Une opération chirurgicale à Millet.
Nous étions en 1916, tous les hommes du village étaient mobilisés presque tous au front, à Verdun entre autre champs de bataille, où les obus pleuvaient aussi drus qu’un orage de grêle, mais bien plus meurtriers.
Une dame de Millet assez âgée, avait des ennuis intestinaux, à la sortie de l’anus, il n’y avait pas de médecins à Aubenas, car tous dans l’armée, mais un médecin militaire, trop âgé pour servir sous les drapeaux et on lui avait amené cette personne en consultation. Il avait été formel, il faut opérer ! Mais il n’y avait pas de salle d’opération à l’hôpital.
La seule solution possible, si vous voulez, c’est chez vous.
Demain après mes consultations, je peux venir chez vous. Vous savez, je suis médecin militaire, et je peux pratiquer n’importe où. Il n’y avait pas le choix !
La dame qui souffrait beaucoup accepte. Le Docteur lui dit « Pour ce faire, il me faudra beaucoup d’eau stérile qui aura bouillie assez longtemps, assez de chiffons stériles, un feu qui marche bien dans la cheminée et une marmite d’eau dessus.
Le lendemain, le docteur arrive à cheval avec une mallette qui contient sa trousse militaire réglementaire. Tout le village avait apporté, qui sa marmite d’eau bouillie, qui son paquet de vieux draps stérilisés, le médecin installe la malade sur la table de la cuisine, la fixe solidement.
Il garde avec lui deux dames courageuses et endort sa patiente.
Il ouvre sa trousse et après s’être assuré qu’elle est bien endormie. Il fait son métier : il ouvre, il coupe, il coud aussi, et tout ça dans beaucoup de sang ou autres humeurs qu’il éponge aussitôt et nettoie avec l’eau et les linges qu’il avait réclamés. Et lorsqu’il a presque fini il pose dans le foyer un fer pour cautériser les plaies ouvertes.
Il cautérise ensuite ce qui doit l’être dans un grésillement et une odeur caractéristique, les dames sont bien près de se trouver mal. Mais voilà tout est terminé, tout s’est bien passé d’après lui et on va chercher des hommes pour ramener la grand-mère dans son lit.
« Votre dame aura des douleurs lorsqu’elle ira à la selle, mais cela passera bientôt ».
En effet, la Mamet Court s’est remise très vite et elle vivra encore quinze ans après cette journée que le village n’est pas près d’oublier. J’ai écrit ces quelques lignes pour que bientôt cent ans après, nous ne les oublions pas non plus.
Ce village de Millet avait des habitants de toutes opinions surtout après la séparation de l’église et de l’état qui avait exaspéré les partis. Mais tous ont participé, tous ont tremblé pour l’une d’entre eux. C’est avec des entraides comme celle-là que se créait dans nos communes l’esprit de village, qui dépassait tout les clivages et que l’arrière petit fils de la grand-mère appliquait lorsqu’il disait lors d’une élection alors qu’un candidat de Millet se présentait pour être élu maire de la commune « Il est pas de mon côté, je le sais bien mais il est du village alors je vote pour lui.
Texte de Jean Lantus
