LABEAUME: Le Mas de l’Abeille.
M. Louis de MENTHON , découvre l’Abeille, il croyait s’être perdu ou arriver au bout du monde, et il trouve une grande maison accueillante et presque confortable.
Il est vrai que ce Mas de l’Abeille a connu beaucoup d’activités pendant des siècles et n’a été que depuis peu progressivement abandonné pour prendre cet aspect de » hameau abandonné » un peu mystérieux.
La présence d’un important peuplement est affirmée par les nombreux dolmens, au Nord de l’Abeille sur la colline dite du pigeonnier, le » serre de Valès » ; l’Ardèche est d’ailleurs, avec la Lozère, le plus riche en sites historiques.
Les deux haches en pierre polie trouvées à l’Abeille venaient de ces dolmens et confirment une présence en … 2000 ans av. JC ! D’après la revue du Vivarais, de 1903, Labeaume contenait en 1888, 43 dolmens et 3 menhirs. Mais personne n’a pu nous renseigner sur ces menhirs, bien que le nom de Peyrefit indique leur présence tout près de l’Abeille.
deux légendes rapportées par des vieux sont fort intéressantes, l’une veut que le Dieu adoré autrefois soir le Dieu » Abeillon « , l’autre que l’Abeille fut située sur le lieu d’un temple.
On peut, à partir de ces deux légendes, faire remonter le nom de l’Abeille à Abeillon, puis Apollon ! On peut aussi le rapprocher du latin Abelus, avec l’usage qui en est encore fait en patois où un troupeau de moutons est abeillard !
En 1281, on apprend que la Seignererie de Labeaume appartenait déjà à plusieurs familles (de Labeaume, de Naves, de Rostaing), mais en 1302, Dragonet de Chateauneuf, sire de Joyeuses, rachète toutes les terres, se fait reconnaître et rendre hommage par tous les habitants de Labeaume, et de son côté, rend hommage aux Seigneurs Evêques de Viviers, (annexe 2).
Les habitants habitaient alors dans le village de Labeaume, près de la rivière, et montaient travailler les terres du plateau. Seules quelques maisons existaient sur le plateau, depuis le 15ème siècle, dont l’Abeille et Bois Saint Martin, avec peut-être un petit rôle défensif. A cause de la taille grossière des pierres, le » bercail » serait antérieur au 15ème siècle. Impossible de dater la curieuse voûte qui apparaît dans le mur Est.
Le grand développement de l’Abeille a certainement coïncidé avec l’apparition du ver à soi et l’Abeille devient une énorme magnanerie. Bien qu’introduit en France au 16ème siècle et relancé par Olivier De Serres au 17ème siècle, le mûrier ne fît sans doute pas son apparition à l’Abeille avant le 18ème siècle. Beaucoup de familles de Labeaume quittèrent alors le village pour construire une maison sur le plateau avec une magnanerie et planter beaucoup de mûriers.
On peut penser que c’est au 18ème siècle que l’Abeille subît le plus de transformations, d’une part, pour construire la magnanerie actuelle (salle de concert), d’autre part pour loger d’autres familles. A la maison principale occupée par des Sévenier et peut-être des Tourre, s’ajoute au Sud la Tramette (Vincent) à l’Ouest la maison de Lucie (Sévenier), au Nord, la maison à arcades (Vincent puis Raynouard), au Sud encore, la maison des Soeurs (de Saint Joseph).
L’Abeille vivait alors en autarcie et s’ils travaillaient beaucoup, les habitants ne manquaient de rien. Ni chevaux, ni mules, mais des boeufs pour quelques terres et la plus grande partie était travaillée à la main. On voit encore les 4 aires de battage pour les céréales (froment et avoine).
. L’Olivier était l’objet de soins attentifs, on voit encore le beau moulin à huile et les grandes auges de pierres qui étaient destinées à la conserver. Le Figuier était une source importante de réserves pour l’hiver. Il y avait aussi l’Amandier, le Châtaignier, le Cerisier, le Poirier dont il reste de nombreux témoins.
Mais le plus intéressant de tous était certainement le mûrier dont on ramassait les feuilles au printemps pour nourrir ces fameux vers à soie. Pendant le mois que durait le plus gros du travail on embauchait et il y avait plu de 4 personnes à table à l’Abeille, on ramassait 90 tonnes de feuilles !!! pour nourrir des millions de vers. En 1830, l’Abeille a vendu 3.000 kg de soie !
Pendant tous les mois d’hiver et jusqu’à ces dernières années, on voyait passer les gens de la montagne. Ils n’avaient ni le vin, ni l’huile, ni la soie, seulement les châtaignes, et lorsqu’ils avaient fini leurs réserves, ils venaient s’embaucher dans la vallée. On leur donnait toujours la soupe et un coin pour dormir et on les gardait tant qu’il y avait du travail. L’Abeille était une des fermes qui les employait toujours. Ils ont dû en déplacer des pierres.
Chacun savait tailler la pierre et monter des voûtes. Toutes les carrières de Labeaume marchaient bien, on refusait régulièrement les ponts emportés par les violentes crues, les grands ouvrages pour le chemin de fer, le socle de la statue de la liberté de New-York… (la plus grosse crue de l’Ardèche, en 1890, emportera 28 ponts et l’eau montera de 21 mètres au Pont d’Arc).
Le bois du Serre de Valès était coupé tous les 20 ans pour faire des poteaux de mine et du combustible pour les tuileries.
A partir du milieu du 19ème siècle, une série de malheurs va s’abattre sur le pays : maladies de la vigne (phylloxéra), des vers à soie (pébrine, apparue en 1853 qui fera baisser la production de 90 % en 10 ans, de 26 tonnes à 4 tonnes) et de (2 épidémies de choléra en 1854 et 1884). Certains partiront, d’autres mourront sans héritier et en 100 ans l’Abeille sera abandon
La chorale des Petits Chanteurs de Saint Louis, fondée en 1951 à l’aumônerie du Lycée Janson, de Paris, découvre l’Abeille en 1962. Elle avait alors une trentaine de ténors et basses qui formaient une équipe solide, soudée et dynamique à la recherche d’une activé autre que le chant.
Depuis un an, ils cherchaient dans les ports un vieux bateau à retaper et rêvaient de parcourir le monde. Mais en quelque mois, au cours de l’hiver 61-62, ce rêve sera remplacé par un vieux mas abandonné, envahi par les broussailles, perdu dans les rochers et les bois.
L’enthousiasme est immédiat chez tous, et le désir impérieux de se lancer dans l’aventure et, sans doute de découvrir dans l’effort une autre existence dans ce cadre si beau et si sauvage.
Les démarches d’achat sont rapides, car les héritiers cherchaient à vendre, par contre il faudra plusieurs années pour réunir l’argent. Une association est crée dont le but est triple :
– Aménager l’Abeille pour y recevoir les petits chanteurs, les anciens et futures familles,
– Redonner vie au pays selon le voeu du Dr Richard,
– Elargir l’action de la chorale en organisant des manifestations artistiques et culturelles (annexe 3).
Dès juillet 1962, c’est la grande aventure : la Chorale y passe le mois de juillet à débroussailler et à s’installer. Il faut chercher l’eau avec des seaux à la citerne des soeurs ; on couche dans la paille, il fait très chaud – il ne tombera pas une goutte d’eau pendant les 3 mois d’été ! Les premiers apports : deux pianos et des concerts !
La Chorale est très bien accueillie par les habitants de Labeaume, elle donne des concerts, chante les messes dans les deux paroisses et se montre très respectueuse des gens et des choses. Il y avait encore un curé et c’est lui qui nous a introduit dans ce pays très pratiquant.
Avec l’enthousiasme du début, il y eut bien quelques problèmes ; chacun rêvait l’Abeille à son idée et chaque année on essayait de retrouver un idéal commun. Mais la vie s’organisait autour de quelques dates : – Pâques, avec les grands pour faire avancer les travaux, – Juillet avec les petits chanteurs, des concerts et souvent d’autres chorales, – Août avec la troupe de théâtre qui donnait un spectacle et le 25 Août qui était l’occasion d’une fête avec tous les voisins.
Beaucoup de grands se sont mariés, dont un à l’Abeille, mais la chorale continuait à alimenter la réserve de » bonnes volontés » et d’idées nouvelles ! Quelques déceptions, car bien des projets restaient morts et les ateliers furent longs à se monter, et quelques expériences malheureuses, car certains groupes n’apportaient rien. Mais le bilan était très positif, l’Abeille était toujours un lieu de rêve qui avait bien contribué à conserver la vie sur le plateau et en 1972, le 10ème anniversaire de notre arrivée fut l’occasion d’une rétrospective émouvante.
Depuis bien sûr, deux éléments nouveaux sont venus modifier les mentalités : 1) Labeaume subit l’invasion croissante des touristes l’été et des résidences secondaires et l’Abeille, en ni changeant pas, prend une valeur encore plus exceptionnelle. 2) L’Abeille a atteint un certain degré de confort, qui lui permet d’accueillir beaucoup de gens, même des jeunes enfants, mais qui fait qu’il n’y a plus de travaux urgents et que les tâches à accomplir ne s’imposent plus avec la même évidence.
L’Abeille est toujours avant tout la maison de la Chorale, de ses Anciens, de ses Amis et de ceux qui partagent son idéal et veulent participer à une vie active et collective.
NDLR; crédit texteguyretnouardfree les familles REYNOUARD et RAYNOIRD, dont les origines sont du VIVARAIS,
photo; domainedel’abeille.fr